Chères lycéennes et chers lycéens,
Chers amis,
En ce 10 octobre 2025, au lendemain
de la panthéonisation de Robert Badinter, en donnant son nom à cette esplanade nous
donnons un sens à notre espace public. 
Celui d’une République fidèle à ses
valeurs : l’Etat de Droit, le choix de la justice contre la vengeance, de l’humanité
contre la peur, de la vie contre la mort.
Robert Badinter était l'homme de
combats qui honorent la République : avec l’abolition de la peine de mort
bien sûr, mais en ayant été toute sa vie durant, « l’avocat défenseur »
de tous les droits humains fondamentaux, « l’artisan politique » de
la dépénalisation de l'homosexualité, de l’humanisation des prisons, et,
orphelin de la Shoah, de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme... 
Le 17 septembre 1981, à la tribune
de l’Assemblée nationale, Robert Badinter prononça des mots qui ont changé
l’histoire : 
« Demain, grâce à vous, la
justice française ne sera plus une justice qui tue. » 
Ce jour-là, la France a aboli la
peine de mort, non par faiblesse, mais par courage.
Ce courage qu’avait si bien exprimé
dans son « Discours à la jeunesse », une autre grande figure
de notre République, Jean Jaurès, vice-président de la Chambre des députés. 
En s’adressant aux lycéens du lycée
d’Albi, en juillet 1903, il avait des mots forts :
« Le courage, c’est d’aller
à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux
grandes causes sans savoir qu’elle récompense réserve à notre effort l’univers
profond, ni s’il réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la
vérité et de la dire ; c’est ne pas subir la loi du mensonge triomphant
qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos
mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »
C’est ce courage là qui animait
Robert Badinter, bien loin d’imaginer que ses actions le conduirait un soir
d’octobre au Panthéon. 
« Parce qu’aucun homme n’est
totalement responsable, parce qu’aucune justice n’est infaillible, la peine de
mort est moralement inacceptable. »
Ces mots ont fait reculer la
barbarie. 
Ils ont rendu à la justice son vrai
visage : celui de la raison.
Ce combat, Robert Badinter ne l’a
pas mené seul. 
Et dans l’hémicycle, ce 17 septembre
1981, des voix se sont unies pour dire non à la mort. 
Cette inauguration aujourd’hui à
Thiers m’a permis d’aller chercher et relire dans le journal officiel, comme certains
d’entre sans doute, les discours qui ont accompagné celui de Robert Badinter devant
l’Assemblée nationale.
Parmi ces voix, alors que nous nous
tenons dans la salle qui porte son nom, celle de Gisèle Halimi, autre
infatigable avocate et défenseure des droits humains, des droits des femmes, du
droit à l’avortement, qui venait à peine d’être inscrit dans notre loi commune
en 1975 suite à la loi Veil.  
Gisèle Halimi, députée de l’Isère,
s’exprimait ainsi devant les députés quelques minutes après Robert
Badinter : 
« Donner la vie implique une
responsabilité et un engagement quasi philosophique : celui de la
continuer, justement. Mais ni par hasard, ni par erreur, ni par fatalité. 
Et c’est là
une autre analogie entre le choix de nos maternités et le rejet de la peine de
mort, car nous refusons, dans les deux cas, la fatalité. 
Fatalité
biologique d’une vie, accident, nous disons, « non » ; de la
même manière, fatalité sociale de l’enchaînement crime-guillotine, nous disons
« non ».
Vouloir « Répondre au
meurtre individuel par un meurtre social est, je n’hésite pas à le dire […] un
acte de lâcheté en même temps qu’un acte de désespoir. »
Parmi ces voix aussi, celle de Colette
Goeuriot, députée communiste de Meurthe-et-Moselle, qui s’exprimait ainsi au
nom de son groupe :
« C’est moins par rapport au
criminel que nous devons nous déterminer que par rapport à la part d’humanité
que chaque homme porte en lui. » « L’irréversibilité rend la peine de
mort affreuse. Elle devrait, à elle seule, justifier son abolition. » « L’abolition
de la peine de mort est un jalon sur le chemin du progrès de l’humanité. »
Robert Badinter le rappelait souvent
: « Le propre de la justice humaine, c’est d’être faillible. Dès lors, si
elle peut se tromper, elle ne doit pas frapper d’un coup irréversible. » 
Ces paroles disent l’essentiel : abolir
la peine de mort, c’est croire encore en l’homme, même coupable. 
***
Comme je viens de la rappeler, l’abolition
de la peine de mort n’a pas été le triomphe d’un camp ou d’un parti. 
Elle fut le triomphe de la conscience
universelle. 
Ce jour-là, la France a compris
qu’en supprimant la guillotine, elle ne perdait pas une arme, elle gagnait –
peut-être devrais-je dire, elle regagnait après tant d’années à attendre cet
engagement - la force de ses valeurs universelles.
Depuis ce jour de septembre 1981, aucun
bourreau n’a plus agi au nom de la République pour découper un corps en deux.
 La justice n’en est pas devenue plus faible : elle
est devenue plus humaine.
Et c’est cela que nous célébrons
ici, avec cette esplanade à Thiers, qui portera désormais le nom de celui qui
fit triompher la vie sur la mort.
***
Chers lycéennes et lycéens, 
Je formule ainsi le souhait que cette inauguration ne
soit pas un simple hommage de pierre. 
Elle doit être un engagement vivant. 
Un engagement à transmettre aux
générations à venir la conscience que la justice est grande quand elle est la
voix tranquille et humaine de la raison.
Cette esplanade est un lieu de
passage, de vie, de dialogue. 
Quiconque s’y arrêtera pourra lire
ce nom et se souvenir que la justice d’un pays se mesure à la manière dont il
traite ceux qu’elle juge, même les coupables.
Robert Badinter disait : « La
France, patrie des droits de l’homme, se devait de franchir ce pas. »
Nous devons, à notre tour, veiller à
ne jamais le franchir en sens inverse, en sachant combien le temps qui passe et
les moteurs de la haine sont puissants. 
Combien ils peuvent contribuer à
effacer des consciences et de la mémoire collective les combats et les grandes
avancées de notre histoire politique commune. 
Pour que jamais la justice ne
redevienne vengeance.
Pour que jamais la République
n’oublie que la dignité humaine est son premier devoir.
Pour que toujours, la France reste
du côté de la vie.
Et pour citer une nouvelle fois
Jaurès, pour que « l’effort humain vers la clarté et le droit ne soit
jamais perdu. L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches
et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »
Nous savons qu’il reste beaucoup à
faire pour que la peine de mort soit bannie de l’ensemble des pays de la
planète, alors que 15 d’entre eux la pratiquent encore, et que plus de 1 500
personnes ont été exécutées en 2024.
C’est cela notre « invincible
espoir ». 
Je vous remercie. 

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