Alors que la commission mixte paritaire (CMP) se réunit ce matin pour accoucher du texte qui serait soumis au vote des sénateurs et des députés demain jeudi, il semble que les téléphones ministériels chauffent. La pression est extrême sur les députés hésitants, en particulier ceux de la droite et du centre afin de tenter de s’assurer d’une majorité qui ne semble toujours pas acquise à cette heure. En revanche, tous les coups semblent permis. Les menaces de répression politique envers des parlementaires qui ne se mettraient pas dans la ligne macronienne ne grandissent pas ceux qui les profèrent. Pourtant si prompt à faire usage de tous les articles constitutionnels permettant de faire passer en force ses textes, ce Gouvernement contrevient par de telles pratiques à l'article 27 de la Constitution qui dispose que : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » En conséquence, aucune injonction du pouvoir à voter dans tel ou tel sens ne devrait leur être adressée…
Depuis janvier, la Première ministre s’est enfermée dans une guerre de tranchée qui abîme profondément notre démocratie. 47-1, 44-3, nouvelle menace du 49-3... la liste des grenades constitutionnelles n'est plus assez longue pour servir un entêtement insensé piloté et dirigé depuis l’Elysée. On savait déjà depuis 2017 que l’antiparlementarisme était une des marques de fabrique du Macronisme. Mais un nouveau cran est franchi. Il s’agit désormais de montrer que l’on est « fort ». Que l’on ne cède rien. Que l’on peut imposer au pays, contre la volonté populaire, une réforme injuste au seul service d’intérêts financiers. Que l’on finira par mater la mobilisation sociale par la lassitude et l’asphyxie financière des grévistes.
Un des plus tristes constats réside sans doute dans le fait qu’en procédant ainsi, les députés et sénateurs de la majorité présidentielle toute relative affaiblissent considérablement leur propre légitimité. Leur soumission volontaire à la brutalité constitutionnelle ou aux interprétations arbitraires des règlements des assemblées, leur donne l’illusion de gagner le combat parlementaire, alors qu’ils perdent chaque jour un peu plus la bataille de l'opinion. Il me semble qu’elle témoigne d’une distance toujours plus grande séparant ces représentants de l’appréhension des crises profondes qui traversent notre société, avec en premier lieu l’explosion des inégalités et des difficultés de vie.
Surtout, cette attitude cautionne de fait une lente dérive autoritaire qui marquera durablement notre vie démocratique. Car la politique du coup de force institutionnel permanent accentue les fractures politiques de notre pays. Elle contribue à faire sauter des digues qui pourraient s’avérer demain particulièrement utiles aux forces réactionnaires et de l’extrême-droite en cas d’arrivée au pouvoir.
Il est toujours temps de sortir par le haut de ce conflit, en retirant ce sinistre projet. Et le temps de la raison politique, de l'apaisement est toujours à portée de main de la représentation nationale. J’ai la conviction que les prochaines heures marqueront des choix déterminants pour l’avenir de notre République.
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