La danse du ventre anti-inflation qu’exécute depuis plus d’un an le Ministre de l’Economie et des Finances devant les responsables de la grande distribution n’y change rien. Sur un an glissant, la hausse des prix des produits alimentaires atteignait 14 % en février. C’est plus du double de l’indice des prix de l’INSEE constitué d’un panier mixte de biens et services. Il faut préciser que cette flambée touche encore plus les produits dits « premiers prix ». De janvier 2022 à janvier 2023, ils grimpent de plus de 20 % ! Ajoutons aussi à cette liste l’explosion des prix des produits d’hygiène et d’entretien du quotidien.
Toutes les conditions d’une grave crise alimentaire avec son cortège de privations et de déséquilibres nutritionnels sont réunies. Ce choc intervient dans une France qui compte déjà 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, où un enfant sur 5 vit au sein d’une famille pauvre, et ou au moins 7 millions de personnes font régulièrement appel à l’aide alimentaire. Or, les dépenses d’alimentation ne représentent pas du tout le même poids dans les dépenses contraintes des ménages. En 2020, les 20 % des Français les plus pauvres consacraient plus de 18 % de leurs revenus à l’alimentation contre 14 % pour les 20 % les plus aisés. L’alimentation constitue de plus en plus une condition « de survie du budget familial » pour les ménages les plus pauvres, en ajustant notamment au fil du mois le contenu de l’assiette.
Une telle situation appelle des réponses politiques fortes. Il faut d’abord bloquer la fièvre spéculative qu’entretiennent les géants de l’agroalimentaire et de la distribution. Leur soif de rattrapage des profits doit être enrayée en permettant à l’Etat d’encadrer strictement et immédiatement leurs marges. Nous défendons depuis très longtemps l’application d’un coefficient multiplicateur étendu à tous les produits alimentaires entre les prix d’achat aux producteurs et les prix de vente aux consommateurs. Si ce dispositif avait été créé à la Libération, avant d’être supprimé en 1986 sous la pression des distributeurs, c’était précisément pour enrayer de telles logiques d’emballement. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires devrait à ce titre se transformer en « régie publique » d’intervention sur les prix alimentaires.
On doit également agir sur l’ensemble de la chaîne de valeur en baissant immédiatement les coûts de l’électricité et du gaz. Le retour de tarifs règlementés pour tous les transformateurs et industriels est une mesure d’urgence… et une pure question de volonté politique !
Enfin, nous ne pouvons pas passer à côté d’un soutien d’urgence aux ménages. Une aide mensuelle spécifique doit permettre de compenser une partie des surcoûts liés à l’alimentation et être adaptée en fonction des revenus. Cette mesure pourrait être alimentée par un fonds d’urgence et un prélèvement exceptionnel sur les revenus financiers des transnationales de l’agroalimentaire et de la distribution.
Tribune publiée dans le Journal l'Humanité du 20 mars 2023.
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