En m'essayant à de petits billets, je préfère prévenir. Vous ne
serez pas étonné de me voir dénoncer régulièrement combien le système
capitaliste me semble chaque jour plus incompatible pour répondre aux défis de
notre temps. Quoi de plus normal pour un communiste ?
Cela
vaut en premier pour le compte à rebours climatique et le défi énergétique inédit qu’il pose à
nos sociétés. Les travaux du GIEC n’ont jamais été aussi clairs :
l’humanité a engagé son contre la montre pour ne pas dépasser des concentrations
atmosphériques de gaz à effet de serre aux impacts irrémédiables pour les
conditions de vie sur terre des prochaines générations.
Le
vrai hic, c’est le rythme de décroissance obligatoire des émissions et la ligne
d’arrivée du chrono : la fameuse atteinte de la « neutralité carbone »
mondiale d’ici 2050. Cette double contrainte reste malheureusement très
largement incomprise ou refoulée par la plupart des responsables politiques. Elle
devrait pourtant conditionner toute leur réflexion et nourrir tous leurs échanges
avec le monde de la recherche et le monde du travail.
Mais,
coincés entre le marteau du capital et l’enclume des échéances électorales, nos
représentants trouvent toujours plus urgent de repousser les mesures transformatrices
qui s’imposent. Plus grave encore, en particulier pour la
gauche, le marketing politique a imposé ces dernières années un nouvel
imaginaire de plus en plus éloigné des faits et de la rationalité
scientifiques. Les échelles de mesure et de temps se dissolvent. L’énergie
s’émancipe de la physique et de la matière. Les atomes sont adeptes des
transsubstantiations. L’énergie primaire se mue en simple électricité. Les gaz
à effet de serre se confinent dans les frontières nationales…
Les rapports du GIEC en perdent
leur latin. Les scenarios noirs sont tous repeints en vert :
« énergie verte », « hydrogène vert », « 100 %
renouvelables »… En deux temps trois mouvements, la messe est dite : un
nouveau sens commun énergétique s’épanche depuis les grands médias jusqu’aux
manuels scolaires de nos enfants.
Jean-Marc Jancovici, en bon (dé)mineur,
s’en amusait la semaine passée dans un de ses petits « posts » sarcastiques,
en partageant un article du journal
Les Echos présentant l’investissement dans de nouvelles centrales thermiques au
gaz de la Californie pour pallier l’intermittence des capacités électriques
éoliennes et photovoltaïques. Cachons le C du CH4 et jouissons sans contraintes de la bénédiction d’Eole et d’Hélios ! Un constat
qui faisait tristement écho à la spectaculaire hypocrisie du "modèle vert" allemand,
ouvrant grand les vannes au gaz russe pour les mêmes raisons, avec l’aboutissement
tant espéré du gazoduc Nord Stream 2 (lire à ce sujet l’excellent article de Bruno Odent dans l’Humanité du 30 août 2021). Mais sans doute est-ce un gazoduc jetable avant 2050
? (Sic)
Cette colonisation inquiétante des
esprits vers des fantasmes énergétiques appelle selon moi de vraies ruptures dans
les programmes climatiques présidentiels.
Il faut envisager "l’inenvisageable" : l’exigence
d’une coopération énergétique et climatique mondiale, placée sous l’égide de
l’ONU, avec des mécanismes de contrôle et de sanction.
Il faut soutenir "l’insoutenable" : l’appropriation sociale et la nationalisation des filières industrielles de production et de distribution de l’énergie pour bâtir un pôle public national, puis européen, seul à même d’opérer les transitions dans le temps imparti.
Il faut défendre "l’indéfendable" : l'électrification des usages avec le maintien et le développement de la production d’électricité à partir du nucléaire (pilotable et décarboné), associés à une maîtrise et une gestion publiques de toutes nos concessions hydroélectriques et de l'intégration des autres productions renouvelables.
Il faut aborder "l’inabordable" : la généralisation de la gratuité des transports collectifs et urbains et d'accès au vélo (avec ou sans assistance électrique) ce qui implique un accompagnement financier massif des collectivités gestionnaires pour leurs investissements et leurs moyens de fonctionnement.
A l'exception de Fabien Roussel, candidat communiste, je ne suis pas certain de voir beaucoup d'autres prétendants sur la ligne de départ de la raison énergétique et climatique.
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