Etre juge et partie. Depuis hier soir, c’est la nouvelle fonction assignée aux députés de la majorité. Dans l’indifférence médiatique quasi-générale, un nouveau coup a été porté aux droits des parlementaires, avec la si généreuse contribution de la droite. Si généreuse, qu’un esprit mal placé pourrait croire à l’entente cordiale, voire à l’échange de bons procédés en période électorale. La proposition de création d’une commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements dans la gestion de la crise du COVID-19 par les député-e-s PCF, donc avec un co-président issu du groupe communiste, a ainsi été empêchée par un artifice bien travaillé, visant au final à assurer une co-présidence de cette commission d’enquête par un député En Marche et un député Les Républicains en transformant la mission d’information consacrée à la crise du covid-19. Tout cela peut paraître obscur et technique. Mais l’historique et la chronologie de cette substitution sont de véritables modèles de détournement du règlement de l’Assemblée. Ces manœuvres pourraient se résumer en un mot d’ordre : couvrons-nous vite, verrouillons tout.
Ces manœuvres ne seraient rien si elles ne constituaient un pas supplémentaire dans l’humiliation du Parlement et dans la négation des droits des députés. Il s’agit désormais, et systématiquement, de colmater les moindres interstices de la démocratie parlementaire, d’empêcher toutes les initiatives permettant de faire la lumière sur les pratiques et le bilan politique du pouvoir, et plus largement, de décennies de gestion libérale par les gouvernements successifs. Certes, les locataires de l’Elysée n’ont jamais été de grands défenseurs des droits des parlementaires après avoir accéder au pouvoir. Ils ont même systématiquement cherché à les limiter, réforme du règlement de l’Assemblée nationale après réforme du règlement. Mais force est de constater que la pratique et l’expérience politique de nombre de députés élus, comme la reconnaissance d’une forme d’équilibre minimum à tenir entre le pouvoir exécutif et législatif, avaient jusqu’alors toujours joué en faveur du maintien d’espaces de débat, de contre-propositions ou de contrôle.
La dérive autoritaire du néolibéralisme sauce Macron est d’un ordre nouveau. Elle s’appuie sur une culture et une pratique profondément réactionnaires. La représentation nationale doit être constamment tenue en laisse. L’ordre du jour de l’Assemblée cadenassé. La capacité d’initiative législative entièrement réservée au Gouvernement. La construction collective et les « bougés » sur les textes de loi interdits. Les outils de l’indépendance parlementaire mis sous séquestre. Rien ne doit venir s’immiscer entre la feuille de route élyséenne et sa mise en œuvre.
Réduction des temps de parole et du temps législatif, limitation du droit d’amendement, recours systématique aux ordonnances… depuis 3 ans, l’antiparlementarisme constitue une des marques de fabrique du pouvoir. Si beaucoup ont découvert au fil des ans combien le « renouveau démocratique » promis par le candidat Emmanuel Macron en 2017 relevait en réalité de la pure supercherie électoraliste, jamais sans doute dans l’histoire de la Vème République, le contenu de l’article 27 de notre Constitution, qui prévoit que « Tout mandat impératif est nul » et que « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel », n’aura été à ce point piétiné. Depuis l’affaire Benalla, on peut même dire que l’antiparlementarisme du pouvoir est devenu obsessionnel. A la capacité de museler ou de cornériser politiquement les oppositions, s’ajoute désormais la volonté de verrouiller tout contre-pouvoir existant.
La dernière séquence parlementaire aura donné à voir l’étalage quasi-complet de ces abaissements et humiliations. Avec le recours automatique aux ordonnances pour toutes les mesures « exceptionnelles » liées à la crise sanitaire. Avec la purge machinale des propositions de loi (qui a habilement conduit à l’emportement du député François Ruffin). Avec la mise en place -ou plutôt la mise en scène par l’Elysée - de nouveaux groupes politiques pour alimenter des oppositions superficielles et un « story telling » parlementaire qui occupera les médias et affaiblira les moyens des groupes d’opposition de gauche. Avec l’empêchement de cette commission d’enquête à l’initiative des députés communistes qui aurait pu avoir un minimum de liberté d’action et de latitude en matière d’auditions et de rendu.
Assis sur une majorité pléthorique à l’Assemblée nationale, le Président de la République a surtout pu compter sur des élus totalement soumis à l’autorité des arbitrages élyséens. Mais le danger démocratique vient dorénavant du fait qu’autant de reculs démocratiques sont ouvertement soutenus par la droite « traditionnelle ». Une droite qui espère sans doute récupérer à son profit ce cadre parlementaire rabougri en cas de victoire électorale future. Un pari sur l’avenir qui doit paraître séduisant. Mais un pari toujours plus dangereux pour notre démocratie en fonction de ceux qui peuvent en prendre les rênes.
le coup d'état permanent continue !...on va droit à la dictature !et on peut s'attendre à une collusion des droites du Pr et de la REM + le centre droit de Bayrou ,sans oublier l'aile droite du défunt PS !...
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