Nos communes, socle indispensable d’une reconstruction démocratique


La commune est le cœur de la démocratie française. Nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux. Et le renouvellement les 15 et 22 mars 2020 des représentants de nos 35 000 communes, mais aussi par voie de conséquence des délégués dans nos 1250 intercommunalités, doit servir à initier l’indispensable reconstruction démocratique dont notre pays a besoin.
Les plus de 500 000 élus, femmes et hommes de terrain, pour l’immense majorité bénévoles, ne comptent pas leur temps au service de tous. C’est une richesse inestimable, construite par notre histoire politique et qui ne compte pas beaucoup d’équivalent dans le monde. Ce n’est pas pour rien si les maires et les conseillers municipaux sont les élus auxquels nous accordons le plus notre confiance. Ils font le lien direct entre les besoins, les difficultés, les projets, et les possibilités d’y répondre localement.

La dévalorisation systématique des (petites) municipalités est un combat politique des néolibéraux

    Or, depuis de nombreuses années, les communes ont été durement attaquées par les pouvoirs successifs. Ces pouvoirs ont tous progressivement enfourché le prêt à penser néolibéral, demandant à remodeler le cadre démocratique autour d’institutions reconcentrées et contrôlées technocratiquement, meilleur gage d’une sélection sociale et territoriale annihilant toute velléité de progrès. Ainsi, il faut bien sûr dénoncer les coups portés très directement en retirant des moyens et des compétences essentielles aux communes, mais aussi, et peut-être surtout de façon plus violente au final, par l’épanchement à tous les niveaux de l’Etat, d’une nouvelle culture de « l’incapacité territoriale », voire de la supposée « incapacité à la bonne gestion » du niveau communal.
     Si nos communes, et notamment nos communes rurales qui représentent plus des 2/3 du territoire, sont attaquées si violemment, c’est d’abord parce qu’elles sont le lieu d’une démocratie vivante, sans filtres ni intermédiaires. Elles sont le lieu où s’exprime avec force le mouvement associatif, où des centaines de milliers de nos concitoyens, salariés ou agriculteurs, ouvriers ou retraités, peuvent encore faire l’expérience de la politique. L’obsession du pouvoir en place, encore plus sans doute que les précédents, c’est bien de déconnecter les citoyen·ne·s des lieux de décisions en appauvrissant tous les échelons de proximité, dont l’échelon municipal, en renforçant partout les logiques de délégation de pouvoir. Elles sont aussi, avec leurs milliers d’élus de terrain, des relais très efficaces pour empêcher la fermeture de services publics, ici d’une classe, d’une école, ou d’un collège, là d’une trésorerie, d’un hôpital ou d’un EHPAD… ou pour s’opposer au transfert vers une gestion privée plus coûteuse pour tous, et bien moins efficace.
       La contrainte budgétaire toujours plus pressante et l’obsession du transfert des compétences vers les EPCI alimentent par ailleurs d’elles-mêmes une nouvelle distance envers l’engagement pour celles et ceux qui souhaitent s’investir localement. Attaquées sur leurs ressources et leurs dotations, la pression constante à la baisse des dépenses publiques entrave par ailleurs plus fortement leur capacité à répondre aux besoins de chacun et à porter des projets municipaux ambitieux. C’est l’obsession du pouvoir de l’argent et de la finance : récupérer toujours plus pour les plus fortunés au détriment des politiques municipales qui sont au service du plus grand nombre. Nous sommes devant un « effet-ciseaux » : d’un côté l’aggravation de la situation économique des habitants, le besoin d’actions de solidarité et écologiques très fortes, qui appellent donc plus de dépenses sociales et plus de services publics et, dans le même temps, des recettes fiscales communales en recul, des pertes de compétences et un désengagement de l’Etat.

Agir sur le contenu des politiques communales pour faire le lien avec les orientations nationales

Nos candidat-e-s, nos maires sortants ou apparentés, nos adjoint-e-s et élu-e-s municipaux dans les petites communes doivent continuer de s’engager pour des moyens suffisants et pour le développement des services publics locaux de la santé, de l’éducation, de la petite enfance et au service de nos ainés, pour la vitalité du milieu associatif, la culture, le sport et les loisirs, pour l’égalité des territoires, la démocratie citoyenne, le droit au logement et à la mobilité, l’amélioration du pouvoir d’achat…
Chacune et chacun peut contribuer à faire germer et à conduire dans le mandat des projets novateurs, utiles à la vie municipale, à la solidarité et au vivre-ensemble. C’est en agissant par notre implication dans tout ou partie de ces domaines prioritaires de la vie municipale, et souvent au cœur de listes aux sensibilités multiples, que nous serons en capacité d’échanger et convaincre sur le fond des politiques libérales nationales et européennes que nous combattons.
Ne nous y trompons pas, dans un contexte de mobilisations sociales pour les retraites, le pouvoir d’achat, pour la santé et le respect de l’humain, ces élections municipales auront une dimension nationale. Mais il est souvent difficile d’expliquer clairement le lien direct entre les difficultés des habitants et les choix politiques nationaux. L’implication municipale permet de tracer ces lignes entre le vécu de terrain et les orientations politiques au pouvoir. C’est un levier de politisation qu’il ne faut surtout pas négliger, d’autant plus dans un contexte de colère et de rejet global auxquels conduisent ces mêmes orientations libérales.

Des ruralités qui peuvent servir de levier démocratique par l’exemple

Derrière le constat de communes rurales, il faut aussi voir que les différentes ruralités ont depuis plusieurs décennies une force d’attraction pour les résidents des villes. Ces migrations relèvent parfois d’une quête vers un meilleur cadre de vie. Elles sont aussi contraintes : par nécessité économique, des urbains se réfugient à la campagne, accentuant la paupérisation des zones rurales. Dans leur diversité, les ruraux ont des exigences nouvelles en terme de qualité de vie. Elles portent toujours sur les questions de l’accès aux services, dans les domaines traditionnels (école, santé, Poste…) mais aussi dans les domaines du sport, de la culture, de l’environnement, de l’urbanisme, du numérique...
Dans les territoires les plus fragiles, de nombreux acteurs politiques, économiques ou associatifs refusent la fatalité du déclin. Mais il est rare qu’une initiative économique ou culturelle réussisse quand elle n’est pas soutenue, voire portée par la collectivité, notamment communale et de plus en plus intercommunale.
Parfois, des fractures entravent le nécessaire dialogue entre toutes les composantes de la société rurale. Elles reposent notamment sur des conflits d’usage. Pour certains, la vocation première de la campagne serait essentiellement productive, la terre devant être quasi exclusivement vouée à l’agriculture, sans rejeter pour autant une diversification (filières courtes, production biologique, tourisme à la ferme…). Pour d’autres, la campagne devrait être sanctuarisée et vierge de toutes nuisances, au détriment de sa fonction productive et nourricière.

Ces conflits, il faut les prendre en compte pour dépasser les blocages, impulser des solidarités nouvelles en encourageant le dialogue et les démarches collectives. Il est donc indispensable de développer la vie démocratique locale, en diversifiant la composition des conseils municipaux mais aussi en créant de nouveaux espaces démocratiques.
Il nous faut travailler concrètement à favoriser dans les toutes communes de moins de 1 000 habitants la représentation de toutes les composantes de la société, que ne permet ni le mode de scrutin majoritaire avec panachage, ni l’exigence de listes complètes parfois difficiles à constituer. Je pense en particulier que le mode de scrutin actuel exclut de la représentation démocratique une partie du corps social, non seulement trop souvent encore les femmes, mais aussi certaines opinions minoritaires portées par des résidents nouveaux. Cette situation encourage l’exacerbation de conflits et nourrit des rivalités exacerbées par un sentiment de rejet.
De plus, pour concrétiser l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique, je propose aussi que nous travaillions à des signes forts pour développer la participation citoyenne et ne pas en rester à la seule démocratie représentative :
- La possibilité de constituer des « conseils de village », afin de développer la participation directe des habitants à la vie locale, notamment dans les communes éclatées entre un bourg et de nombreux lieux de vie épars.
- La possibilité de constituer des « conseils des associations », utiles pour renforcer et institutionnaliser le dialogue entre les élus et les associations locales, déterminantes pour assurer le dynamisme de nos communes.
- La constitution de comités consultatifs locaux compétents en matière de services publics ou au public. Il s’agit là-aussi d’encourager l’épanouissement de démarches participatives concrètes sur cette question de plus en plus essentielle, non seulement pour la réponse aux besoins déjà existants, mais comme éléments déterminant de l’attractivité d’une commune, et de ruralités vivantes, créatrices de richesses et de bien-vivre.








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