Qui serait aujourd’hui assez fou pour
parier sur une diminution du nombre et des conséquences des aléas climatiques,
environnementaux ou sanitaires dans les décennies à venir ?
Qui prendrait le risque de miser sur cette
hypothèse après une année 2019 qui aura vu en France la succession d’épisodes
de gel tardif, de grêle, puis de canicules avec des températures supérieures à 35
- 40°C pendant plusieurs semaines, l’absence quasi-totale de précipitations efficaces
pendant 5 à 6 mois sur une large bande centrale du pays, des rapports du GIEC
toujours plus alarmants ?
Qui mettrait sur le tapis son capital pour
affirmer qu’il y aura moins de problèmes sanitaires demain dans un monde plus
chaud, plus ouvert que jamais aux échanges, avec toujours moins de
contrôles ?
Certainement pas les grandes compagnies
d’assurance !
Ajoutez à ce cocktail des pollutions
accidentelles comme nous le vivons avec Lubrizol, ou les effets potentiellement
dévastateurs de la perte de biodiversité, et vous obtenez le tableau des horreurs
auquel va devoir faire face notre tissu agricole demain.
Ne tournons donc pas autour du pot. Cela
fait des années que l’on parle de la nécessité de revoir les outils « de
gestion des risques » en agriculture. Mais tout progrès réel sur le sujet est
systématiquement repoussé, toute perspective de gestion publique et solidaire balayée
par les tenants du fanatisme de marché et du libre-échange.
Ainsi, le choix d’affaiblir progressivement
le Fonds national de garantie des calamités agricoles, créé en 1964, rebaptisé
Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) suite à la loi de
modernisation de l’agriculture de 2010 ne tient pas de l’erreur de parcours.
C’est un choix politique assumé par la Commission européenne et les chefs
d’Etats et de gouvernement successifs : celui de siphonner les moyens d’un
fonds public pour assurer l’extension du secteur assurantiel privé.
Pourtant, année après année, mauvaise
récolte après mauvaise récolte, liquidations d’exploitations après liquidations
d’exploitations, ce système privé prouve à la fois tout son cynisme, en ne
maintenant une offre que sous perfusion croissante de fonds publics, et toute
son inefficacité, en ne répondant jamais aux besoins réels.
C’est pourtant dans cette même direction
que vont s’entêter le Ministre de l’Agriculture et tous les défenseurs du
libéralisme en agriculture : proposer une généralisation des assurances
privées sur la base d’un financement public supplémentaire prélevé sur le
budget de la PAC. Errare humanum est,
perseverare diabolicum. La formule colle parfaitement à la situation.
Car l’accroissement des soutiens publics à
travers la prise en charge des primes d’assurances des agriculteurs - autorisés
jusqu’à 65 % aujourd’hui par les règlements européens - n’enraye pas son
incompatibilité structurelle avec les contraintes de l’activité agricole. Avec
des aléas récurrents et des montants d’indemnisation croissants, les assureurs
ne compenseront jamais plus qu’une part non-significative des pertes. C’est le
cas avec les contrats actuels et leurs problèmes d’estimations, de franchises, de
seuils de déclenchement… Ils ne répondent pas aux besoins spécifiques de la
majorité des exploitants familiaux, et en particulier des éleveurs, avec des
revenus tellement faibles voire inexistants que ces contrats ne sont que des
contrats de dupes. Proposer d’aller jusqu’à financer sur fonds publics à 70 % ,voire
80 %, de tels outils, en prélevant sur les aides de la PAC déjà rabotées,
relève tout simplement de l’imposture économique et politique !
Nous l’assumons pour notre part, un
autre projet politique doit être ouvert. Il exige le retour à la raison et à l’intérêt général en
matière agricole et alimentaire. Il suppose d’abord de sortir du mythe de la
gestion des risques par le secteur privé.
Un premier
acte fort consisterait ainsi à réaffecter intégralement les soutiens publics consentis
au secteur assurantiel au FNGRA tout en affirmant l’urgence d’un virage réglementaire au niveau européen.
Notre proposition est claire : construire
un régime public solidaire autour d’une caisse d’assurance couvrant de façon
universelle tous les agriculteurs, toutes les agricultures. Seule une gestion
collective, par un conseil d’administration où toute la représentation
professionnelle tient sa place aux côtés de l’État, peut permettre d’assurer
une réactivité face aux aléas, une indemnisation au plus près des besoins,
d’assurer une couverture la plus importante possible des pertes subies, tout en
jouant un véritable rôle de prévention et d’adaptation des systèmes agricoles
aux risques encourus.
En plus d’un soutien de l’Etat, l’enjeu de contributions
progressives des agriculteurs à ce régime, en fonction de leurs revenus, doit s’articuler
avec une mise à contribution indispensable des revenus financiers de l’ensemble
des secteurs d’activité liés à l’agriculture et aux produits
alimentaires : grande distribution, grands groupes de l’agroalimentaire,
de l’industrie des phytosanitaires, des intrants et du machinisme, mais aussi
des secteurs bancaires et assurantiels. Par ailleurs, l’instauration d’une taxe
affectée sur les importations de produits agricoles doit aussi être envisagée
au regard de leur impact direct sur l’agriculture française et européenne.
Si nous considérons que c’est sur la base de structures à
taille humaine, transmissibles entre les générations, que peut se construire
l’agriculture durable de demain, alors il faut assumer politiquement la
nécessité de la mise en place de ce régime public. Tous ceux qui soulignent
l’importance de sauvegarder notre maillage d’exploitations familiales doivent
s’engager. Il ne faut pas ruser. Il ne faut pas esquiver en cherchant de
nouveaux palliatifs inefficaces, ou des soutiens publics pour alimenter le
tonneau des Danaïdes de l’assurance privée.
Les communistes défendent la
mise en place de ce régime public d’assurance avec d’autant plus de conviction,
que nos parlementaires comme André Chassaigne, n’ont
eu de cesse d’alerter sur le besoin de rénover et de
renforcer le FNGRA lors de chaque grande loi agricole. Faute
de prix d’achat couvrant les coûts de production, la sécheresse de 2019 va encore
plonger dans le rouge plusieurs milliers d’exploitations jusqu’à la cessation d’activité.
Il est temps de mettre fin au bricolage et à la
fuite en avant libérale. Il faut changer de cap !
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