Un Stiglitz et çà repart !

Après plusieurs mois d’attente sur ma table de chevet, je viens enfin de plonger mon nez, en nocturne, dans le dernier bouquin de Joseph Stiglitz, le fameux Nobel d’économie globe-trotter, devenu vendeur de bouquins à succès.

Pour faire suite à La grande désillusion en 2002, puis à Un autre monde : contre le fanatisme du marché en 2006, on se demandait bien ce que l’honorable économiste néokeynésien allait nous pondre de palpitant après la crise. Car il fallait bien sortir un bouquin d’après crise comme les autres. Déjà en l’achetant, j’avais comme un pressentiment sur le contenu probable de ses 300 premières pages. Je m'imaginais quelque chose comme : « Je vous l’avais bien dit messieurs les présidents et gouverneurs de banques centrales qu’on allait se casser la gueule ! Nous, les néokeynésiens Stiglitziens, nous vous l’avions même dit en premier ! ».

Ça n’a pas raté, c’est exactement ça, avec en plus, un certain culte de la personne, histoire de s’autolégitimer comme intellectuel de premier plan. Cela renforcera sans doute ses liens de bon copain des puissants à Davos. Ils pourront le présenter comme le « révolutionnaire » de la pensée économique.

Je dirais aussi que tout est dans le titre de l’ouvrage. C’est d’ailleurs ce qui le fait vendre… et qui me l’a fait acheté ! Car, des 473 pages de texte, on n’apprend pas grand chose. Rien de nouveau sous le soleil du grand capital. Stiglitz, en bon libéral qu’il est, évangéliste moderne de la pensée keynésienne, nous raconte pour l’essentiel la genèse palpitante de la crise que nous connaissons : son lot de truanderies bancaires et boursières, « d’incompétences » financières et économiques, de conséquences dramatiques pour le bon peuple, et de mauvais coups des « méchants libéraux » qui croient bêtement au marché libre et non-faussé… Non, vraiment, ceux-là, ils n’ont rien compris. Pourtant la solution est là, palpable, comme une évidence d’économiste dominant : mo-ra-li-ser ! Mais comment Monsieur Stiglitz ? En apprenant de ses erreurs naturellement. En donnant quelques bouchées aux Etats et aux pauvres inévitablement. Tout ceci, afin de remettre l’histoire sur les bons rails…d’un capitalisme assaini.

C’est ainsi, avec une certaine jubilation qui transparaît dans le verbe, qu’il se pare de l’habit du grand moralisateur (rôle que l’on croyait réservé à Nicolas Sarkozy), reconnaissant quelques faiblesses au marché qui doivent être prises en charge par l’Etat, pour mieux servir une soupe un peu fadasse de « néocapitalisme humaniste », à laquelle on a bien du mal à croire.

Siglitz fait aussi dans la « réflexivité » indispensable à tout bon scientifique. Ainsi, rien ne vaut un chapitre de bonne vieille chicane stérile avec les néolibéraux, une petite rixe par best-seller interposé, pour conserver sa place dans les plus grandes universités américaines et à l’international, au nom du respect du pluralisme de la pensée.

Tout cela n’exonérait naturellement pas l’auteur de remettre une dernière louchée d’égocentrisme, sur le monde meilleur qu’impliquerait la prise en compte de ses écrits. Quoi de plus logique en guise de conclusion ?

Naturellement, vous vous en doutez, il n’est à aucun moment question d’une remise en cause des fondamentaux du système capitaliste, pas plus que n’est effleurée la prise en compte de la pensée marxiste ou néomarxiste, avec le dépasement des marchés ou de nouveaux droits accordés aux salariés. Il est des sujets qu’on n’aborde pas quand on fabrique du best-seller ! Pas étonnant que Sarkozy ait convoqué ce champion de l’affichage du « capitalisme à visage humain » pour pondre un rapport tout aussi inutile que les précédentes commandes « sur la mesure des performances économiques et du progrès social ». Décidemment, rien ne change sous le soleil de la pensée économique dominante.

J’éteins la lumière.


PS : je mets en lien l'interview de Stiglitz sur France Inter lors de la sortie du livre.


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