En ce mois d'août 2014, la nouvelle République florissante avait soudain pris conscience de ses faiblesses. Le Président, outré par la révélation de l'intrusion d'un Mor dans la cour du Palais de la Grande démocratie, avait congédié ses 554 gardes du corps pour manquement grave à la sécurité démocratique.
Il faut dire que les Mors figuraient depuis longtemps parmi les plus viles créatures présentes sur notre planète. Ces humanoïdes sans origines décelées, avaient depuis des siècles conservé une attitude primaire de déplacement aléatoire entre les zones mortes, les zones intermédiaires et les Grands Centres Démocratiques (GCD). Naturellement, les élus de la Majorité Démocratique du Président à la tête des GCD avaient tout mis en oeuvre pour repousser toute incursion de ces Mors. Mais, non équipés de nano puces décelables aux check points, il arrivait fréquemment qu’un ou deux d’entre eux pénètrent jusque sur les avenues, voire dans les bâtiments officiels, pour quémander quelque reconnaissance par la République.
Le Président, qui jusque-là avait concentré les forces de démocratisation sur les populations étrangères de sang à la République, éprouvait depuis quelques jours une haine toute nouvelle pour cette fraction décadente et oubliée de la basse humanité. Il ne cessait de s’agiter, demandant à ses plus proches ministres présidentiels, quelle attitude il fallait adopter pour convenir d’une réponse appropriée, démocratique et définitive pour chasser de la République ces hordes décérébrées.
Un de ses plus proches techno-conseiller lui fit part un lundi d’une trouvaille alliant vitalité démocratique et solution radicale. Le dispositif pourrait être baptisé, Liber-Roms, pour liberté des Mors à l’envers. Il fondait son analyse sur le fait que les Mors n’étaient génétiquement pas faits pour vivre sur les territoires de la République, zones mortes incluses, et qu’il fallait de façon urgente arriver à convaincre l’ensemble des citoyens de la souffrance terrible qu’ils enduraient de devoir vivre dans un pays qui n’avait jamais été le leur. Afin que chaque citoyen adopte une attitude de libérateur pour ces humanoïdes, l’idée du Président était de projeter sur les 8 grandes chaînes et les médias web, les images de joie de ces mêmes Mors retournant dans leurs no-lands de l’Est.
Quelques jours après sa décision, le Président se félicitait de l’immense vague de citoyenneté qui avait emporté son peuple. Il ne passait pas une minute sans que les bénévoles de la Majorité Démocratique ne reçoivent un appel leur signalant la présence d’un Mor dans quelque coin reculé de la République. S’il avait été difficile de convaincre les meilleurs stars de s’abaisser à interpréter le rôle des heureux humanoïdes retrouvant leurs contrées, le résultat se passait en revanche de commentaires. Les cargos de la Liberté embarquaient chaque jour des centaines de Mors sur les aéroports spécialement dédiés, qu’ils rejetaient directement au-dessus des no-lands de l’Est avec un parachute. Pour le peuple, la vision qu’offrait les médias de ces Mors regagnant, presque en volant, ce qui ne leur été jamais arrivé, leurs terres supposées originelles participait d’un grand sentiment de fierté démocratique.
Commentaires
Enregistrer un commentaire