Nano-démocratie
La nouvelle République faisait des émules partout. Le monde entier s’en inspirait, tant elle symbolisait le respect des valeurs démocratiques. Mais il subsistait encore des pays arriérés où l’on demandait au peuple de se déplacer pour voter périodiquement. Cela engendrait un dégagement de dioxyde de carbone insupportable, et incompatible avec la lutte individuelle contre le réchauffement climatique, sans compter les épidémies qui se déclaraient périodiquement malgré l’interdiction de parler entre votants.
Heureusement, le confinement garanti par les managers à chacun sur son lieu de travail, et les vaccinations automatisées, permettaient de contenir toute pandémie. Le nouveau principe de précaution recommandait d’ailleurs une dose minimale de travail de 22 heures consécutives après chaque déplacement, mais beaucoup de collaborateurs allaient au-delà, s’assurant ainsi d’une prochaine vaccination low cost notifiée sur leur nano-puce mémoire « employabilité, efficience et profitabilité ».
Il faut bien admettre que les nano-puces avaient véritablement symbolisé l’avènement de la modernité démocratique au travail. D’abord installées sur les anciens téléphones mobiles, la généralisation de leur implantation sous-cutanée permettait désormais une pleine liberté de mouvement aux collaborateurs dans leurs tâches quotidiennes. Le relevé trimestriel des données garantissait en outre un traitement juste et équitable à tous ceux qui avaient si longtemps été les victimes honnêtes des malversations des groupes syndicaux.
Dans leur avis du 3ème trimestre concernant la 4ème loi de modernisation démocratique, certains sages avaient d’ailleurs proposé l’implantation prénatale obligatoire et subventionnée de nano-puces de détection génétique de bonne employabilité dans les cliniques. Malgré la validation technique et scientifique de leur analyse, l’Assemblée ministérielle avait rejeté ce principe, jugeant les coûts d’une telle pratique disproportionnés au regard de l’intérêt pour les employés standards. Ils soulevèrent également la rupture de liberté concurrentielle qu’entrainerait inévitablement le caractère obligatoire d’une telle pratique pour les commerciaux bien-être médical et les coachs-médecine.
Pour autant, rien n’avait freiné la diffusion de cette innovation démocratique. Jobbers, employés standards, collaborateurs, managers s’étaient quasiment tous équipés en quelques semaines se libérant ainsi du poids des contrôles quotidiens. Le libre secteur, saisi par la fièvre commerciale, soutenu par tous les dirigeants de groupes, et appuyé par toutes les fondations bien-être et environnement, avait proposé toute une série d’offres plus compétitives les unes que les autres. Si bien qu’aujourd’hui, l’Agence indépendante d’évaluation de la modernité démocratique (AIEMD) estime à 99,86 % le taux d’équipement des français.
Aussi subsiste t-il encore parmi la population des moins méritants et des zones mortes, quelques réfractaires aux nano-puces, victimes de nanophobie chronique. Naturellement, l’Etat ayant pris la mesure de certaines injustices, il mène désormais une politique plus offensive pour favoriser la réinsertion de ces personnes, à travers l’implantation et le fonctionnement de plusieurs nano-dispensaires à proximité des ghettos et des zones de non intervention. Ce service d’intérêt général a d’ailleurs souvent pris le relais de vieux commerces-services sur le déclin, procurant ainsi aux résidents des zones intermédiaires une activité bénévole valorisante, et leur ouvrant dans certains cas des droits proportionnés au revenu de solidarité démocratique et territoriale (RSDT).
Commentaires
Enregistrer un commentaire