Ces petits bouts d’essais de politique-fiction ne s’appuient sur aucun fait réel. Toute ressemblance avec des faits avérés ou supposés est purement fortuite. Ces textes n’entendent pas non plus avoir une valeur prospective, et encore moins symboliser l’idéal de société de leur auteur. Non, non, leur objectif n’est autre que de porter en dérision une société futuriste totalement imaginaire, sorte d’antithèse de la conception républicaine et démocrate de notre système politico-économique porté aujourd’hui par le Président Nicolas Sarkozy.
L’An II
Nous sommes en l’an 2014, an II de la République moderne.
Grâce à notre Président, le pays s’est enfin débarrassé des lourdeurs administratives qui l’avait tant fait souffrir au siècle dernier. La chambre basse du Parlement qui s’appelle l’Assemblée ministérielle, s’est radicalement modernisée. Il faut dire que cette vieille institution avait véritablement plombé les comptes de la Nation, avec ses députés censés représenter les hommes et femmes de tout le pays, et tous les frais absurdes qu’occasionnaient leurs déplacements mystérieux à travers les zones vertes, les zones mortes et les zones de non-intervention. La politique de grande simplification a permis de ne conserver que nos dévoués ministres présidentiels, qui siègent une fois par trimestre, le dimanche, dans le vieux bâtiment du Palais-Bourbon en Région capitale, et présentent aux 30 sages tirés au sort parmi la population, les lois qui s’appliquent le jour suivant. Les 30 sages ont ensuite collectivement une minute trente pour faire part de leurs remarques sur chaque texte. Il faut bien reconnaître que le nouveau système de contrôle démocratique est une vraie réussite, et fonctionne à merveille. Dans le dernier sondage trimestriel fait avant chaque vote, les citoyens étaient 89 % à trouver la procédure législative transparente et efficace. Il faut les comprendre. Ils n’ont plus à subir les retransmissions fastidieuses de débats peu compréhensibles et vains de députés si différents d’eux.
Le vent salutaire de la nouvelle république était venu des citoyens. Dix jours avant l’élection du Président en juin 2012, une e-communication avait circulé sur tous les réseaux communautaires, dénonçant les sommes astronomiques englouties par les députés, et leurs indemnités douteuses, leur mission se résumant depuis 2011 à lire chaque projet de loi avant d’exprimer un avis consultatif par un vote électronique secret.
Dans les heures qui suivirent, une grande émission de télévision baptisée « A quoi nous servent-ils ? », diffusée sur les 8 grandes chaînes et les médias web, avait invité trois députés à s’expliquer pendant dix minutes sur leur train de vie. Avec leur cravate bien serrée et leur veste façon 1990, ils avaient été bien à la peine pour justifier la validité de leurs notes de frais, et l’intérêt des bons de réduction carburants pour leur véhicule vert sillonnant les zones mortes. En fin d’émission, le Président sortant leur avait donné le coup de grâce en dénonçant les 100 millions d’euros qu’ils coûtaient collectivement et chaque année à l’Etat. Il avait achevé sa communication par cette vérité bouleversante : « ce sont près de 50 euros de charges citoyennes que chacun d’entre nous doit débourser chaque année pour nourrir ces inutiles. Rendez-vous compte, c’est plus de la moitié de votre salaire minimum négocié du mois ! »
Face à tant de preuves accumulées, le peuple s’était levé pour la première fois depuis 15 ans. Devant chaque écran média, dans chaque famille, ils avaient tapé 1 pour demander dans l’heure qui suivait un référendum dématérialisé sur la suppression des députés. En accord avec les journalistes des chaînes, le Président leur avait accordé ce droit, en signe de respect pour la démocratie. Le résultat était à la hauteur du sursaut citoyen qui avait animé la République : 77 % d’opinions favorables. Courageux, le Président sortant avait même mis sa réélection en jeu le soir même, jugeant qu’il était inutile d’affaiblir la compétitivité économique du pays en dérangeant les citoyens dans leur travail dominical pour un nouveau vote quelques jours plus tard.
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